mardi 19 mars 2024

Tribune en soutien aux camarades de l’entreprise STEF (85)

vendredi 29 octobre 2021

L’entreprise STEF veut les licencier pour avoir dénoncé des agissements racistes au sein de l’entreprise.

Vendredi 10 septembre, dans l’enceinte de l’entreprise STEF, aux Essarts-en-Bocage (Vendée), l’ambiance est revendicative. Une trentaine d’employés de ce leader européen du transport frigorifique, dont l’un entièrement cagoulé, brandissent des pancartes : « Harcèlement », « terreur », « honte à vous », « manipulation »…À de rares exceptions près, ce sont les cadres de l’entreprise. Ils crient en chœur : « Cassez-vous ! On ne veut plus de vous ! » La cible de leur colère ? Les deux délégués CGT de l’entreprise, MM. Mehdi Khechirem et Yoann Jadaud. Venus faire une visite à leur local syndical, face à un tel témoignage de chaleur humaine, tous deux finissent par quitter les lieux… sous l’œil impassible du directeur du site. C’est qu’à ses yeux, MM. Khechirem et Jadaud avaient commis l’irréparable. Le 24 juin, suite à une réunion mouvementée, la direction de STEF-Vendée lance une procédure de licenciement à l’encontre de ces deux syndicalistes.

Depuis des mois, ceux-ci sollicitaient une réaction de l’entreprise : plusieurs salariés ultramarins et issus de l’immigration se plaignaient en effet de comportements racistes dans le cadre de leur travail –« bougnoule », « bamboula », imitation de singe, « retourne manger des bananes », « travail d’arabe », etc. MM. Khechirem et Jadaud enquêtent minutieusement, et lancent dans la foulée un « droit d’alerte pour atteinte aux droits des personnes ».

En vain. Ils se heurtent à la passivité de leur direction, qui en guise de réponse, finit par les licencier – entre temps, durement éprouvées par l’affaire, les victimes du racisme ont quitté l’entreprise…

Celle-ci avait auparavant pris soin d’isoler les deux syndicalistes, en favorisant la création du syndicat CFTC en 2017. Ce syndicat « maison », qui a voté le licenciement de MM. Khechirem et Jadaud, n’a atteint que partiellement son objectif : s’il a réussi à prendre la première place aux élections professionnelles, la CGT demeure majoritaire dans le collège ouvriers… Tout en étant fragilisée, et par conséquent licenciable.

Pourtant, cette logique de répression antisyndicale s’est heurtée le 8 septembre à un obstacle majeur : l’inspection du travail refuse le licenciement de ces deux salariés protégés, au motif qu’il n’est en aucun cas justifié. L’arme du droit était donc épuisée : pour la direction, restait l’action coup de poing illégale – une manifestation antisyndicale menaçante, à laquelle elle a apporté son soutien.

Il faut mesurer avec précision le message délivré par l’entreprise STEF-Vendée. Le racisme n’y est p as combattu. Le dénoncer vaut licenciement. Les décisions administratives, comme celle de l’inspection du travail, sont piétinées.

Quant aux libertés syndicales, garanties par la Constitution, elles sont priées de « dégager ». À cet égard, la cagoule du manifestant vendéen antisyndical marque un sens réel de l’à-propos historique : dans les années 1930, les Cagoulards combattaient la gauche syndicale et politique les armes à la main. Nous savons où leurs dérives ont alors conduit le pays.

Aujourd’hui, dans un contexte d’offensive politique quotidienne de l’extrême-droite, « séparatisme » gouvernemental inclus, et alors que les écrans sont saturés d’idéologie raciste dont la condamnation même par les tribunaux semble garantir le maintien à l’antenne, on assiste dans le même temps à un recul organisé des droits syndicaux.

Ce moment historique est propice à toutes sortes de dérapages, qui dès lors sont tout sauf anecdotiques.

La manifestation antisyndicale de STEF-Vendée a par conséquent valeur d’avertissement, et revêt un caractère national d’une particulière gravité. Le combat de MM. Khechirem et Jadaud nous rappelle en effet que la lutte contre le racisme est indissociable de la lutte pour l’égalité.

Face à cette arme de division massive qui fut toujours maniée par les puissants, ces deux syndicalistes répondent que le seul clivage existant est celui qui sépare l’employeur de ses salariés – d’où qu’ils viennent et quoiqu’ils croient. Les frontières ne passent pas entre les peuples : elles passent entre le haut et le bas.

Dans le contexte actuel, ce message fondamental, dont nous sommes solidaires, dérange. En particulier le PDG du groupe STEF, M. Stanislas Lemor, qui revendique rarement auprès de ses salariés sa présence dans le palmarès des 500 plus grosses fortunes françaises…

La lutte quotidienne contre le racisme et pour l’égalité que mènent MM. Khechirem et Jadaud est exemplaire. Nous la conduirons avec détermination à leurs côtés, et nous opposerons à chacune des entraves qui pourrait leur être opposée. À cet égard, nous exigeons que le groupe STEF mette un terme immédiat à ses agissements anti syndicaux, et comme la loi l’y oblige, garantisse leur sécurité au travail et le libre exercice de leurs droits syndicaux. Leur combat est le nôtre.















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