vendredi 29 mars 2024

Retraite : Valeur du point revenu moyen par tête, le flou du gouvernement

samedi 15 février 2020

Pour la CGT, il n’y a aucune logique à vouloir traiter de la même façon des salariés dont la rémunération et le déroulé professionnel dépend d’une relation contractuelle, des agents publics dont la carrière et l’évolution des rémunérations sont régies par des missions de service public, et des professions où il n’y a pas de salaire mais un revenu lié aux bénéfices de l’activité.

Le gouvernement répète à qui veut l’entendre qu’il consulte de toutes parts depuis deux ans pour l’élaboration de son projet de loi sur les retraites. Pourtant, le flou demeure toujours sur de nombreux points essentiels comme l’indicateur sur lequel serait indexée la valeur des points, rien que ça…

Un flou qui nuit à l’évaluation

Dans son projet de loi, le gouvernement prévoit de revaloriser ces points sur la base du « revenu moyen par tête » qu’il dit « en moyenne supérieure à l’inflation ». Le gouvernement avance cela sans aucune base empirique puisque cet indicateur n’existe pas encore ! C’est bien présomptueux de la part du gouvernement de penser que nous le croirons sur parole lorsqu’il annonce que cet indicateur sera bénéfique pour tous.

L’opacité qui règne autour de cet indicateur n’est qu’un nouvel enfumage du gouvernement et une énième preuve d’amateurisme. Il est étonnant que l’Insee n’ait pas été associé aux discussions autour de cet indicateur en toute transparence. Cela aurait pu permettre d’avoir des estimations fiables de ce que donnerait l’indexation sur cet indicateur. C’est une nouvelle preuve de l’insincérité de l’étude d’impact, puisque l’hypothèse d’indexation qui y est faite ne correspond pas à ce qu’elle devrait être.

Amateurisme ou volonté d’empêcher une évaluation digne de ce nom des conséquences potentielles de son projet ? Difficile de trancher, sans doute est-ce les deux « en même temps ».

Que contiendra-t-il vraiment ?

Ce n’est qu’en commission à l’Assemblée Nationale que le rapporteur du projet de loi s’est rendu compte que le terme de « revenu moyen par tête » pouvait inclure les dividendes, ce qui, du fait de l’appétit insatiable des actionnaires ferait évoluer trop rapidement cet indicateur à son gout. La majorité gouvernementale s’est donc empressée d’ajouter le terme « activité » puisque, rappelons-le si besoin, les dividendes ne sont que la rente du capital et non des revenus d’activité.

La question sur la manière de prendre en compte les revenus des indépendants se pose également. En effet les salarié.es « ubérisés.es » de plus en plus nombreux et dont le revenu par tête est faible risqueraient d’affaiblir fortement un revenu moyen par tête tel que prévu par le gouvernement.

Les questions qui restent en suspens sur ce point et l’impréparation du gouvernement en amont, alors que nous disposons de services statistiques publics compétents et indépendants, sont révélateurs de la méthode gouvernementale. Une nouvelle preuve qui démontre la volonté de ce gouvernement de faire une réforme budgétaire des retraites au service des marchés financiers et des employeurs.

La CGT continue donc d’exiger l’abandon de ce projet de réforme, et le maintien et l’amélioration de notre système de retraite actuel.

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Petit décryptage avec Alternatives Économiques :

En 2019, le salaire moyen par tête du secteur privé a augmenté de 2,1% ; celui du secteur public augmenté de 1,5% ; le revenu moyen par tête des non-salariés a diminué de 1,1%. Avec une pondération (60% secteur privé ; 28% secteur public ; 12% non-salariés), la hausse du revenu moyen d’activité est de 1,4%.

Passer d’une indexation sur le salaire moyen à une indexation sur le revenu moyen permet de faire passer la hausse maximale de la valeur du point de2,1% (1% en pouvoir d’achat) à 1,4% (0,3% en pouvoir d’achat).

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L’indépendance de l’Insee n’est pas soluble dans la réforme régressive des retraites

Le débat sur la réforme des retraites s’est animé cette semaine sur la question de l’indexation du point, enjeu crucial qui déterminera l’évolution du montant des pensions.

Vendredi dernier, le secrétaire d’État chargé des retraites, Laurent Pietraszewski, a annoncé devant l’Assemblée Nationale que la valeur du point serait calculée sur la base de l’évolution d’un « nouvel indicateur » reflétant « l’évolution du revenu d’activité moyen par tête ».

Or cet indicateur n’existe pas. Ni à l’Insee ni dans le reste de la statistique publique.

Le secrétaire d’État affirme que l’Insee devra désormais produire cet indicateur, et selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État. La méthodologie de cet indicateur échappe ainsi aux statisticiens et économistes de la fonction publique. Le gouvernement ne semble pas connaître la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 sur l’obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques qui affirme l’indépendance de l’Insee en matière de conception, de production et de diffusion statistique : « La conception, la production et la diffusion des statistiques publiques sont effectuées en toute indépendance professionnelle »

Mais l’Insee n’a pas à répondre aux « commandes » du gouvernement en matière statistique, lorsque cette commande porte sur un indicateur central dans un projet de loi contesté, un indicateur dont le champ n’est aujourd’hui pas clair, et que tout laisse présumer moins favorable aux futures pensions : en effet, à l’origine l’indicateur annoncé par le gouvernement était l’évolution des salaires. Il serait désormais plus large.

Or, on constate depuis des années que les revenus des fonctionnaires et des non-salariés progressent moins vite que les salaires du privé. En souhaitant intégrer ces revenus supplémentaires, un choix d’apparence technique va donc de pair avec la volonté affichée par le gouvernement de limiter les dépenses en matière de retraite.

En imposant aux parlementaires de voter sur un indice non déterminé, le gouvernement met en place une méthode inacceptable, et fait porter à l’Insee une responsabilité qu’il n’a pas à prendre : construire un indicateur dont le seul but est de baisser le niveau des retraites !

Que le gouvernement utilise des indicateurs existant dans ses textes législatifs est une chose, mais qu’il renvoie sur l’Institut pour donner un cachet de sérieux et d’impartialité à un indicateur opaque dont tout indique qu’il veut le diriger dans un sens négatif pour les futur·e·s retraité·e·s est inacceptable.

  • Nous, syndicats CGT, FO, SUD de l’Insee réaffirmons haut et fort le principe d’indépendance de la statistique publique.
  • Nous dénonçons cette volonté délibérée du gouvernement d’enfreindre ce principe.














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