jeudi 18 avril 2024

Allocution CGT pour les 80 ans des martyrs de Chateaubriant

samedi 23 octobre 2021

Intervention Philippe Martinez au 80e anniversaire du massacre de Châteaubriant

Dimanche 17 octobre 2021

Mesdames, Messieurs, Chères et chers amis et camarades, Chère Carine, Chère Odette

Nous n’oublierons jamais le 22 octobre 1941.

Ce jour-là, ici même, dans cette carrière de la Sablière, 27 otages sont tombés sous les balles des nazis.

Au même moment, 16 autres connaissaient le même sort à Nantes, 5 encore au Mont-Valérien.

Deux jours plus tard, 50 otages seront exécutés au camp de Souges près de Bordeaux.

Le 15 décembre 1941, cette sinistre litanie macabre se poursuit puisque 95 otages tombèrent sous les balles des pelotons, 69 au Mont-Valérien, 13 à Caen, 9 à Châteaubriant encore et 4 à Fontevrault.

Et il y en aura tant d’autres par la suite.

Qui étaient ces hommes tombés ici, il y a 80 ans ?

Le choix des otages fusillés à Châteaubriant ne relève pas du hasard. Tous ont été arrêtés entre 1940 et début 1941. Ces hommes ont été internés en tant que communistes mais ils étaient souvent des militants CGT.

La CGT paya un lourd tribut. Parmi les 27 victimes se trouvaient des grands dirigeants de fédérations de la CGT : Jean Grandel des PTT ; Désiré Granet du Papier-Carton ; Charles Michels des Cuirs et Peaux ; Jean Poulmarc’h des Produits chimiques ; Jean-Pierre Timbaud des métaux ; Jules Vercruysse du Textile.

Ces hommes étaient des ouvriers, des intellectuels, des étudiants, des élus du peuple. Des individus finalement comme vous et moi qui sont devenus malgré eux des héros.

Le plus jeune, Guy Môquet, avait 17 ans. Titus Bartoli, l’ainé 58.

Il faut lire les dernières lettres des fusillés à leurs familles et à leurs proches, comme celle de Jean-Pierre Timbaud, ouvrier métallurgiste et syndicaliste, adressée à sa femme et à sa fille : « Toute ma vie, j’ai combattu pour une humanité meilleure. J’ai la grande confiance que vous verrez réaliser mon rêve. Ma mort aura servi à quelque chose »

Il faut relire leurs derniers mots pour comprendre le sens de leur engagement, le sens de leur vie et de leur mort.

La plupart avaient été frappés par la répression dès le commencement de la drôle de guerre.

Ils avaient été alors privés arbitrairement de leurs mandats politiques, écartés par la force de leurs fonctions syndicales.

L’effondrement militaire et politique de la France durant l’été 1940 obligera chacun à de douloureux reclassements.

Certains dirigeants syndicaux s’engageront dans la collaboration avec Vichy et les Allemands ; d’autres observerons un prudent attentisme, tandis que les exclus de 1939, sous la direction de Benoît Frachon, prendront le chemin de l’honneur, celui de la lutte contre le régime de Pétain et des occupants nazis.

Mais ces derniers ne l’entendaient pas ainsi.

Certes, jusqu’à l’été 1941, les nazis et l’État français s’attachèrent à donner un vernis légal et judiciaire à une répression relativement modérée.

A partir de l’été 1941, le visage hideux du nazisme se révèle aux yeux des français. Avec les premières manifestations armées de la Résistance, les représailles nazis changent de nature et d’échelle.

Pour discréditer l’action armée de la résistance naissante, la répression se veut impitoyable. Elle vise clairement, par l’horreur qu’elle inspire aux populations, à inspirer la crainte et le repli sur soi.

La politique des otages rentre dans ce dispositif de terreur et cette démarche criminelle ne fut pas l’œuvre des seuls Nazis.

Pétain et l’État français y participèrent ouvertement.

Les 27 fusillés de Châteaubriant l’ont été à partir d’une liste établie par Pierre Pucheu. Serviteur zélé du cartel patronal des maîtres de forges, celui de la métallurgie durant l’entre-deux-guerres, Pucheu glissa ouvertement à l’extrême droite après la victoire du Front populaire en 1936. Sans surprise, on le retrouve dans le gouvernement de Vichy où il occupe divers postes avant d’être nommé, le 11 août 1941, ministre de l’Intérieur.

À ce poste, il va déployer avec une ardeur particulière la répression contre les représentants de la classe ouvrière. Sans doute l’occasion était trop belle de laver l’affront de 1936, les grèves, l’occupation des usines et les conquêtes sociales, les 40 heures, les conventions collectives et les congés payés.

Mais ce crime va se retourner contre son auteur. Car le sacrifice de nos camarades a finalement donné du courage. Le retentissement fut grand dans toute la France.

Des grèves furent déclenchées, à l’exemple de celle des ouvriers de l’Arsenal de Brest le 25 octobre 41. Bravant l’interdiction, des Castelbriantais, vont déposer des gerbes de fleurs à l’emplacement des poteaux d’exécution.

Après Châteaubriant, la Résistance s’enrichit de nombreux militants.

Nous ne devons pas effacer des mémoires ce qu’a été le rôle de la classe ouvrière pendant cette guerre totale.

Les générations passent, le temps arrive où les témoins et les acteurs de ces sacrifices admirables ne seront plus.

Ces hommes et ces femmes qui dès 1941 refusèrent l’occupation, la fatalité, la soumission, la défaite et qu’ils payèrent de leur vie. Leur combat contre le nazisme et le régime de Vichy étaient, sur le sol national, les éclaireurs d’une Résistance que leurs sacrifices contribuèrent à faire grandir.

Honorer leur mémoire, c’est permettre à tous et à toutes de réfléchir et de tirer des enseignements de leur engagement et des valeurs qu’ils défendirent.

La crise que nous traversons aujourd’hui vient à nouveau nourrir la peur, la xénophobie, le racisme et dont certains et certaines en nourrissent leur fonds de commerce électoral. Des idéologies de haine et de rejet de l’autre que les sacrifices d’il y a 80 ans auraient dû à jamais terrasser.

Les noms et les prénoms qui figurent sur de nombreuses plaques commémoratives avec la mention « morts pour la France » ne sont pas tous de consonance française. Déjà à cette époque, elles et ils étaient traités en étrangers indésirables voués à la prison puis à la mort. Faut-il rappeler que quelques mois avant la guerre, près de 500 000 émigrés espagnols, ont traversé les Pyrénées après avoir combattu le franquisme et bon nombre d’entre eux ont rejoint la résistance. Et elles et ils n’ont pas hésité à risquer leur vie pour combattre le fascisme et libérer notre pays du joug nazi. Ne l’oublions jamais, les valeurs que nous portons sont internationales et il n’y a qu’une seule race humaine.

Tirer les enseignements de ce triste passé est aujourd’hui une œuvre essentielle pour se prémunir contre ces idées nauséabondes et ces actes abjects toujours prêts à resurgir.

Le travail de mémoire, associé à la connaissance historique, est aujourd’hui indispensable pour combattre l’oubli mais aussi pour prévenir les tentatives de révisionnisme engagées par celles et ceux qui propagent leurs venins xénophobes et identitaires dans les médias.

Commémorer les valeurs et les acquis de la Résistance, rappeler ce qui a conduit à ces combats et à ces sacrifices qui sont au fondement du programme du Conseil National de la Résistance, est la meilleure façon de rendre hommage et de rester fidèles à ses idéaux afin d’en tirer l’inspiration et l’exemple pour répondre aux questions d’aujourd’hui et de demain.

Je voudrai profiter de ce moment pour rappeler le travail réalisé par l’Amicale de Châteaubriant-Voves- Rouillé-Aincourt.

Mais permettez-moi en premier lieu d’avoir une pensée pour Odette Nilès, Présidente de l’Amicale, qui met toujours son infatigable énergie pour transmettre cette histoire à la fois tragique et glorieuse aux jeunes générations.

C’est en 1945 et par la volonté des anciens internés du camp et des familles de fusillés, que fut fondée l’Amicale « des Anciens Internés Politiques de Châteaubriant-Voves » qui deviendra plus tard l’Amicale de « Châteaubriant-Voves-Rouillé-Aincourt ».

La CGT en est un des membres fondateurs. C’est d’ailleurs un dirigeant de la Fédération CGT de l’Energie, Léon Mauvais, qui s’évada du camp de Châteaubriant avec Eugène Henaff en juillet 1941, qui en sera le premier président.

À n’en pas douter, l’Amicale a encore de beaux jours devant elle. On peut souhaiter que ce 80e anniversaire soit l’occasion de franchir une nouvelle étape dans son développement.

La CGT continuera d’honorer la mémoire toujours vivante de ces militants, de ces syndicalistes, qui ont fait le sacrifice de leur vie parce qu’ils croyaient qu’un monde meilleur était possible.

Sur l’une des planches de la baraque des fusillés, Guy Môquet, le plus jeune des fusillés (17 ans) rédigea l’une de ses ultimes pensées avant de mourir, « les copains qui restez, soyez digne de nous ! »

Ces mots résonnent encore au présent et nous aident à grandir.

D’une certaine manière, cela nous oblige !















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