mercredi 27 mars 2024

Demandeurs d’asile, la loi n’est pas respectée à Nantes !

jeudi 19 juillet 2018

Le collectif UCIJ (Unis Contre Une Immigration Jetable) saisit le défenseur des droits !

En effet, du fait de multiples dysfonctionnements des administrations de l’État en région et de leurs prestataires, les associations d’aide aux demandeurs d’asile, constatent que les conditions d’accueil et de prise en charge des personnes demandant la protection de la France, (garanties par le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile 1/10 CESEDA) ne sont pas pas remplies et conduisent les personnes à vivre dans des conditions indignes et dégradantes.

OBJET : À Nantes, des demandeurs d’asile en butte à des difficultés systémiques

Monsieur le Défenseur des droits,

Nous sommes plusieurs associations qui accompagnons de façon bénévole des migrants présents dans l’agglomération nantaise.

Animés par un esprit de fraternité républicaine, nous nous efforçons de les guider dans un dédale administratif de plus en plus complexe, devant lequel ils sont désorientés.

Nous avons l’honneur de vous saisir au sujet de la situation intolérable dans laquelle se trouvent des personnes exilées venues à Nantes en vue de demander la protection de la France en raison de persécutions subies dans leur pays (Convention de Genève, 1951).

En effet, du fait de multiples dysfonctionnements des administrations de l’État en région et de leurs prestataires, nous constatons aujourd’hui que trop souvent les demandeurs d’asile que nous tentons d’aider se trouvent en butte à des entraves matérielles et administratives qui les conduisent à vivre dans des conditions indignes et dégradantes.

Organisation de l’accueil des demandeurs d’asile
Les conditions d’accueil et de prise en charge des personnes demandant la protection de la France sont garanties par le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile 1/10 (CESEDA). Ces conditions ont été réorganisées par la loi 2015-925 du 29 juillet 2015, et précisées par le ministre de l’Intérieur dans la Circulaire du 25 janvier 2016 sur les schémas régionaux d’accueil des demandeurs d’asile (NOR : INTV1523797C) ainsi qu’une instruction du 19 septembre 2016 relative à la fluidité des parcs d’hébergement des demandeurs d’asile (NOR : INTV1626579J).

Avant de se rendre en préfecture au guichet unique des demandeurs d’asile (GUDA) associant la préfecture et l’Office français d’immigration et d’intégration (OFII), le demandeur doit se rendre auprès de la plateforme régionale ou départementale d’accueil (PADA) qui, sur la base d’un marché public, assure la prestation du pré-enregistrement des demandes. La loi a fixé le délai pour enregistrer une demande d’asile à trois jours ouvrés, sauf en cas d’arrivée importante de demandeurs, ou il est de dix jours ouvrés (soit deux semaines).
En ce qui concerne l’hébergement, l’OFII est chargé d’informer le demandeur d’asile des modalités des conditions d’accueil à savoir les différents types d’hébergement. Si aucune place d’hébergement stable n’est disponible immédiatement, le demandeur sera réorienté vers la plateforme d’accueil qui devra notamment orienter le demandeur vers un hébergement d’urgence - principale modalité appeler le 115 et signaler les cas les plus vulnérables.

- Organisation de l’hébergement d’urgence
L’hébergement des personnes à la rue relève de la responsabilité du Service intégré de l’accueil et de l’orientation (SIAO) qui gère le 115 et l’orientation des publics précaires. La mise en place et le pilotage du SIAO dans chaque département est de la responsabilité du préfet et de ses services. Celui-ci confie par convention la mise en œuvre du SIAO à un opérateur ou un groupement d’opérateurs.

- Squats et campements
Dès leur arrivée, les demandeurs d’asile se trouvent confrontés à la pénurie de lieux d’hébergement. Cette situation n’est pas nouvelle, mais elle se trouve aggravée par une augmentation du nombre d’arrivées de demandeurs d’asile constatée depuis le début de l’année 2018. L’enchaînement d’ouvertures de squats suivies d’expulsions à plus ou moins brève échéance est le lot de bien des étrangers à Nantes depuis des années. Or, on trouve dans ces squats de nombreux demandeurs d’asile laissés à la rue par l’administration, et même des réfugiés.

On en est arrivé aujourd’hui à l’installation d’un campement dans le square Daviais, un parc en centre-ville. Environ 450 demandeurs l’asile (Soudanais, Érythréens et autres), enregistrés auprès de la préfecture ou n’y ayant pas encore réussi, y vivent tant bien que mal, mal abritées sous les quelques 230 tentes offertes par des associations solidaires. Le square comporte un seul point d’eau, et les bains- douches municipaux, situés non loin, sont saturés. Des collectifs de citoyens se sont mobilisés, apportant repas et autres aides.

Les institutions et organismes officiels sont remarquablement peu réactifs.

- Des risques sanitaires non pris en compte par les autorités : Cette situation donne lieu à de multiples problèmes sanitaires et humains, dont quelques exemples sont donnés dans la dépêche AFP du 11 juillet 2018 (pj n°1). Face à l’inaction des autorités, l’association Médecins du Monde (MDM) a ouvert le 13 juillet 2018 au square Daviais une clinique temporaire, avec une cinquantaine de bénévoles.

- Un hébergement d’urgence des demandeurs d’asile défaillant : Le 115 refuse d’héberger les « heureux » qui ont réussi à faire enregistrer leur demande d’asile (voir ci-dessous), au motif qu’ils sont censés être pris en charge par l’OFII. Nous nous étions « habitués » au fait que les hommes isolés n’étaient pas pris en charge, et nous n’avions aucune solution à leur proposer quand ils se présentaient à nos permanences. Aujourd’hui, le moindre prétexte est retenu contre les familles, femmes isolées avec enfants en bas âge, personnes malades pour leur opposer un refus catégorique à leur demande de prise en charge pour être hébergés. Les administrations se renvoient la balle et, pendant ce temps les personnes sont et restent à la rue, et cela peut durer des semaines.

- La Plateforme d’Accueil des Demandeurs d’Asile (PADA) : Les missions des PADA sont précisées dans la Circulaire du ministre de l’Intérieur du 25 janvier 2016, Annexe technique n°3, que nous reproduisons en pièce jointe (pj n°2). Depuis janvier 2018, l’association France Terre D’Asile (FTDA) est le prestataire en charge de la PADA.

- Le délai d’enregistrement au Guichet Unique pour demandeurs d’Asile (GUDA) : En 2017, le précédent prestataire en charge de la PADA, AIDA, donnait aux primo arrivants se présentant à leur plateforme un rendez-vous au guichet unique de la préfecture dans un délai de deux à trois mois. Début juillet 2018, le nouveau prestataire de l’état, à la suite d’accords avec le GUDA de Nantes, assure des délais allant d’une semaine à dix jours.

Des effectifs insuffisants pour une fonctionnement normal de la PADA, pourtant, derrière cette évolution de façade, force est de constater que ça ne fonctionne pas. En effet, chaque matin des dizaines des candidats à la demande d’asile, dont certains ont dormi sur place, se pressent à la porte, mais leur nombre dépasse de loin la capacité d’accueil de la PADA. Avec des effectifs insuffisants, la pression devant la porte de la plateforme a provoqué des incidents parfois violents, avec des retombées malheureuses sur le voisinage. Dans la phase de transition entre l’ancien opérateur et le nouveau, nous avons aussi constaté de nombreux retards ou pertes de courriers, entrainant la rupture du versement de l’Allocation pour demandeurs d’asile (ADA) qu’il a fallu rétablir à force de courriers explicatifs à l’OFII. Les difficultés de fonctionnement de la plateforme ont été telles que les salariés ont dû faire valoir leur droit de retrait en raison de conditions de travail inacceptables, et la plateforme a été fermée aux usagers pendant près de sept jours ouvrables, du 2 au 11 juillet 2018. Durant cette période de fermeture, les demandeurs d’asile - qui n’ont accès à leur courrier qu’une demi-journée par semaine chacun – n’ont plus reçu les courriers de suivi de leur démarche, dont les recommandés, qui ne sont conservés que 15 jours par la Poste avant de le retourner à l’envoyeur.

Une aide minimale à la constitution du dossier de demande d’asile auprès de l’OFPRA : la définition des activités de la PADA précise que « Les missions d’accompagnement pour les demandeurs d’asile non hébergés dans des centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) ou structures d’hébergement d’urgence stables consistent à (…) transcrire en francais, dans le formulaire de l’OFPRA, les motifs de la demande d’asile ». Dans la réalité, le trop faible temps imparti à l’aide à la constitution du dossier conduit la plateforme à imposer aux usagers de fournir ce document directement en français, et même de fournir eux-mêmes un compatriote capable d’assurer une traduction. L’insuffisance de cette aide peut gravement nuire à leur démarche.

Des incidents récurrents de perte ou retards de courriers et de graves conséquences : La démarche de demande d’asile est jalonnée de courriers adressés par l’OFPRA ou la CNDA et qui comportent des délais de réponse ou de recours : convocations, avis de rejet de la demande en première instance. Tout manquement, même involontaire entraine la perte du statut de demandeur d’asile. Nous recevons sans cesse dans nos permanences des demandeurs d’asile qui viennent de découvrir l’interruption du versement de leur l’allocation pour demandeurs d’asile – du fait de courrier remis en retard. On peut certes réussir à faire rétablir le statut en expliquant aux institutions que l’intéressé n’est pas en cause, mais combien d’autres en resteront là faute d’avoir trouvé le bon soutien au bon moment ?

Des demandeurs d’asile enregistrés rejetés à la rue : la pénurie chronique de places en CADA pour les mettre à l’abri et les accompagner dans le détail de leur démarche les envoie dans l’insécurité et la précarité de la rue ou d’un campement de fortune – ils sont ainsi des dizaines à avoir trouvé ’’refuge’’ au square Daviais. La boucle est bouclée.

Après avoir parcouru une route migratoire jalonnée de dangers et de souffrances, un trop grand nombre de demandeurs d’asile sont confrontés à des conditions réelles d’accueil qui sont très loin de ce que la France s’est engagée à assurer. Le rôle des associations d’aide aux exilés n’est en aucun cas de suppléer aux carences du système d’accueil organisé par l’État. À Nantes, ces carences atteignent un niveau qui est devenu inacceptable. Dans l’espoir d’obtenir votre soutien pour que ces demandeurs d’asile soient rétablis dans leurs droits, nous vous faisons part de notre confiance en la réponse que vous pourrez apporter à notre saisine.

Collectif nantais UCIJ : AC ! ALFA Femmes algériennes, Association France Palestine Solidarité (AFPS), Cimade, Collectif Enfants Etrangers Citoyens Solidaires-RESF 44, CSF, DAL 44, Ensemble ! 44, Europe Ecologie- Les Verts (EELV), Gasprom-Asti, LDH, Le Parti de Gauche 44, MRAP, NPA, PCF, RUSF 44, SAF, Tous solidaires-Châteaubriant, UD CGT 44, UD FSU 44, UD Solidaires 44.















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