mardi 19 mars 2024

L’épidémie du Covid 19 : Ou la nécessité d’une recherche fondamentale libérée des logiques de court terme

lundi 16 mars 2020

L’infectiologie a toujours été le parent pauvre de la recherche en biologie en particulier concernant les zoonoses [1].

L’industrie pharmaceutique a peu investi dans ce domaine car il ne constituait pas un marché suffisamment rentable. La plupart des pathologies induites par les virus et bactéries n’affectaient pas les pays développés ne frappant que les populations à très faible pouvoir d’achat des pays en voie de développement. En conséquence, les gouvernements n’ont jamais encouragé la recherche publique à aborder ces champs de recherche.

La situation a changé dans les années 1980 avec le Sida. Mais après la validation des tri-thérapies, l’intérêt pour la virologie est retombé. Il en fut de même avec l’épidémie du virus H5N1.

Le cas du Covid-19 est exemplaire.

Il y a encore 20 ans, seulement quatre virus de la famille des coronavirus étaient connus comme transmissibles aux humains. Parce que ces virus étaient peu pathogènes, cette famille de virus suscita peu d’intérêt pour les pouvoirs publics. Mais tout a changé aux débuts des années 2000, avec l’émergence d’un cinquième membre de la famille : le syndrome respiratoire aigu sévère (Sras) suivi par le syndrome respiratoire du Moyen-Orient (Mers).

Des recherches ont alors été lancées, pour mettre au point traitements et vaccins. Mais l’épidémie passée, les retours sur investissement ont été jugés insuffisants pour poursuivre l’effort de recherche. La majorité des projets sur le coronavirus ont été mis en veille faute de renouvellement des contrats et donc de financements.

Résultat, des stratégies prometteuses de recherche ont été mises de côté alors que ce travail pourrait être précieux pour accélérer la réponse à de futures épidémies. Et donc quand un virus émerge, on demande aux équipes de se mobiliser en urgence et de trouver une solution pour le lendemain. Plusieurs spécialistes en virologie évoquent ainsi le temps perdu depuis l’épidémie du SRAS en 2003 pour mettre au point un médicament capable de s’attaquer au Covid-19 aujourd’hui.

Concernant les trois coronavirus mortels, bien qu’ils ne soient pas identiques, ils sont suffisamment similaires pour qu’en continuant l’effort de recherche interdisciplinaire, les équipes de recherche soient en capacité de développer "un médicament pan-corona », actif contre de nouveaux coronavirus qui apparaîtraient. Ceci est vrai pour la famille des coronavirus, mais aussi pour d’autres familles de virus. Et donc un moyen d’anticiper les épidémies à venir est d’approfondir la connaissance de l’ensemble des virus connus pour la transposer aux nouveaux virus. Cette recherche publique sur des programmes de long terme est le moyen d’obtenir des débouchés thérapeutiques rigoureusement validés, et pour cela elle doit avoir aussi la garantie d’être indépendante.

Les mobilisations du printemps 2020 le clament haut et fort. Une société moderne doit assurer que les laboratoires cherchent dans différentes directions, sans savoir à l’avance quelles vont être et d’où vont venir les avancées majeures. Ceci est vrai pour tous les domaines de la recherche, dont la diversité fait la force largement reconnue de la recherche française. Pour cela les équipes de recherche doivent pouvoir consacrer la majeure partie de leur temps à la recherche et disposer des financements récurrents suffisants. Ces équipes doivent accueillir des personnels statutaires qui puissent être en capacité de répondre à de nouveaux sujets de recherches, afin de pouvoir mieux répondre aux crises comme celle qui apparaît maintenant.

CGT SNTRS ( CNRS-INSERM-INRIA-IRD-INED-IRSTEA)

[1zoonoses : maladies et infections dont les agents se transmettent naturellement des animaux vertébrés à l’être humain















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