la CGT de Loire Atlantique (44)
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Nouvelle reforme de l’assurance chômage : les arguments fallacieux du gouvernement
mardi 19 juillet 2022
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Ministre de l’économie et Ministre du Travail se sont relayés le week-end dernier pour préparer les esprits en vue d’une nouvelle réforme de l’assurance chômage, qui pourrait arriver dès septembre. Elle viendrait ainsi enfoncer le clou de sa prédécesseuse, en durcissant encore davantage les conditions d’indemnisation. Mais plus dramatique encore, elle s’appuie sur trois arguments fallacieux : lutter contre les pénuries de main-d’œuvre, préserver le pouvoir d’achat et financer le modèle social. Nous pensons au contraire qu’en la justifiant ainsi, cette nouvelle réforme promet d’accroitre la précarité et de poursuivre la casse des acquis sociaux, sans jamais s’attaquer au vrai sujet : le conflit capital/travail.
Le premier argument utilisé par le gouvernement pour justifier une nouvelle réforme du chômage est de répondre aux difficultés croissantes des employeurs à recruter, identifiées comme deuxième priorité du moment. Pour le dire simplement, nos gouvernants mettent en parallèle le nombre de chômeurs et les besoins de recrutement, comme si les premiers pouvaient immédiatement sauter dans les chaussons de l’emploi. Or, rien n’est moins simple.
D’abord, comme rappelé dans le Baromètre, le nombre d’emplois vacants est 13 fois inférieur au nombre d’inscrits à Pôle Emploi (catégories A, B et C). Autrement dit, les emplois vacants, notamment pour cause de difficultés de recrutement, sont une goutte d’eau dans l’océan du chômage : si tous les emplois vacants étaient pourvus, seuls 7,7% des demandeurs d’emploi retrouveraient un emploi.
Ensuite, comme le montrent plusieurs études de la Direction de l’Animation de la Recherche, des Études et des Statistiques (DARES) portant sur les difficultés de recrutement [1] (aussi appelées « tensions sur le marché du travail »), le premier facteur est l’absence de main-d’œuvre formée, dans des métiers où les conditions de travail et de rémunération sont pourtant assez favorables. Le deuxième facteur est le manque d’attractivité de certains métiers, autrement dit les mauvaises conditions de travail ou de rémunération.
Ces deux facteurs impliquent alors deux choses, à contre-pied total du gouvernement :
Enfin, plutôt que de réduire les pénuries de main d’œuvre, la précédente réforme [2] a en réalité produit l’effet inverse pour une partie des salarié.e.s. En rehaussant le seuil d’accès aux droits de 4 à 6 mois, elle pénalise particulièrement les salarié.e.s alternant période d’emploi et d’inactivité, et touche de plein fouet tous les salarié.e.s saisonniers. Pour ces salarié.e.s, il faut désormais non pas une mais deux saisons pour ouvrir des droits. Cette augmentation de la précarité du travail saisonnier, conjuguée à des conditions de travail difficiles (horaires décalés, heures supplémentaires non payées, salaire insuffisant pour vivre qui ne reconnaît ni l’expérience ni les connaissances), a poussé nombre de saisonniers à déserter ces emplois, au profit d’autres, plus stables, ce qui renforce encore davantage les difficultés de recrutement dans des secteurs très consommateurs de saisonniers, comme l’hôtellerie-restauration et le tourisme.
Le deuxième argument gouvernemental est celui du pouvoir d’achat : « Quand on travaille, on a de meilleurs revenus et c’est la meilleure façon de préserver le pouvoir d’achat des ménages, en période d’inflation". Là encore, rien n’est moins sûr ! En 2020 en France, 7,4% des salarié.e.s appartiennent à la catégorie des travailleurs pauvres, gagnant donc au travail moins de 60% du revenu médian. Et même sans appartenir à cette catégorie de travailleurs, les bas salaires sont bien sûr plus exposés aux hausses de prix, notamment de l’alimentaire ou des énergies et des carburants en particulier. On sait par exemple que 82 % des ouvriers utilisent leur voiture pour aller travailler, contre 63% seulement des cadres.
Au total donc, la seule manière de préserver le pouvoir d’achat est d’augmenter les salaires, durablement (c’est-à-dire pas par l’artifice des primes) et ce au moins pour répondre à l’inflation. Et c’est justement sur ce point que l’État et le patronat se refusent à bouger [3].
Le pire argument des trois est celui de prétendre financer ainsi un modèle social, alors même que les politiques menées n’ont de cesse de casser le système de protection sociale.
D’abord, du point de vue technique, seul le plein emploi de qualité (c’est-à-dire à temps complet, bien rémunéré) pourrait effectivement contribuer à financer le système. Mais quand on force la mise à l’emploi, comme veulent le faire B. Le Maire, Ministre de l’Économie et O. Dussopt, Ministre du Travail, ce sont par définition les boulots précaires et mal payés que l’on développe avant tout (pour approfondir, voir le mémo éco n°99).
Cela est aussi sans compter le fait que, comme ces boulots sont proches du SMIC, ce sont ceux pour lesquels les exonérations de cotisations employeurs sont les plus fortes [4]. Et c’est bien là le problème : en accordant toujours plus d’exonération de cotisations, les gouvernements successifs ont contribué à fragiliser le financement de la sécurité sociale : là où les cotisations représentaient 92% des recettes, elles ne comptent plus que pour 46% en 2019.
Financer l’éducation, la santé, et la protection sociale, c’est donc arrêter de donner au capital (par les exonérations de cotisations, par la suppression d’impôts comme la Cotisation sur la Valeur Ajoutée des Entreprises annoncée par E. Borne) et prendre au capital en augmentant les salaires. Car lorsqu’on augmente les salaires, on augmente les recettes de l’État, issues des différentes taxes sur la consommation, ou encore les impôts sur le revenu.
A retenir :
[1] https://dares.travail-emploi.gouv.fr/publication/quelle-relation-entre-difficultes-de-recrutement-et-taux-de-chomage ou https://dares.travail-emploi.gouv.fr/publication/quelles-sont-les-conditions-de-travail-qui-contribuent-le-plus-aux-difficultes-de-recrutement.
[2] Entrée en vigueur au 1er octobre 2021.
[4] En effet, pour un salarié au SMIC, un employeur ne paye plus aucune cotisation URSSAF