jeudi 28 mars 2024

Formation Professionnelle, naufrage en vue

mercredi 2 juin 2021

Dans une lettre ouverte à Elisabeth Borne, ministre du Travail, la CGT fait le triste bilan du financement de la formation professionnelle.

Et dans la série "on vous l’avait bien dit" la CGT avait malheureusement raison dans ses analyses des conséquences des réformes de la formation professionnelle et de l’apprentissage.

La baisse des obligations de financement de la formation par les employeurs a conduit à un sous financement de la formation avec un déficit de France Compétences (organisme qui chapeaute la formation professionnelle) critique !

Le déficit est passé de 1,1 milliard en décembre 2020 à 2,4 milliards d’€ en février 2021, soit 118 % d’augmentation en deux mois. Ce déficit atteindrait même 3,15 milliards sans le versement de l’État de 750 millions d’€, versement conditionné à retour à l’équilibre des comptes ! Il faudrait donc trouver 3 milliards d’€ avant le 31 décembre 2022 ! Autrement dit, mission impossible et "faillite" en vue".

Avec la Loi « Pour la liberté de choisir son avenir professionnel », le ministère a tout misé sur l’apprentissage et le Compte Personnel de Formation et a fait le pari que sa libéralisation permettrait à tout le monde d’accéder à la formation et à l’emploi.

Concernant l’apprentissage, si l’on compte une réelle augmentation du dispositif avec 510 000 formations par apprentissage en 2020 (64% du budget global de France compétences), ces chiffres sont néanmoins biaisés. En effet, si l’on regarde de plus près, on s’aperçoit de la transformation d’un grand nombre de contrats de professionnalisation (qui bénéficient de beaucoup moins d’aides et donc sont moins attractifs pour les employeurs) en contrat d’apprentissage et du nombre de plus en plus important de jeunes qui sont en formation en CFA mais qui n’auront jamais signé de contrat de travail (environ 10%j, soit près de 50 000 jeunes). Il faudrait ensuite que l’apprentissage fasse la preuve de sa performance en matière d’insertion professionnelle, le taux d’abandon, le nombre et la nature des formations qualifiantes…

La consommation du CPF n’est pas moins en reste et augmente de manière exponentielle ces derniers mois (moins de 2 millions d’euros par jour en janvier 2020 à plus de 5 millions par jour en janvier 2021). De prime abord, on pourrait s’en féliciter et se dire que les salariés se forment mais en y regardant de plus près, on voit que 80% des formations effectuées sont non qualifiantes, que de plus en plus d’employeurs non scrupuleux imposent à leurs salariés d’utiliser leur CPF pour faire des formations qu’ils devraient normalement financer eux-mêmes et comme la CGT l’avait malheureusement anticipé dès les négociations autour de la réforme de 2018, les salariés financent eux-mêmes leur formation en payant un reste à charge de plus en plus important malgré la mobilisation de leur CPF (600 euros en moyenne).

On arrive là au bout d’un processus commencé il y a plusieurs années dans lequel le salarié est devenu le seul responsable de son parcours professionnel.

La formation est devenue un bien de consommation plus qu’un acte d’émancipation. Ces orientations sont mortifères pour le monde du travail et la CGT continuera à les combattre.

Une concertation va ouvrir prochainement. Elle doit nous amener à mettre sur la table les sujets suivants :

  • - Les qualifications, leur reconnaissance et l’émancipation des travailleurs doivent être au cœur d’une future réforme de la formation professionnelle
  • - Une évaluation systémique de la loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » doit être conduite, sur la base d’un travail de consolidation des différentes données observées
  • - Pour revenir à l’équilibre budgétaire, il est nécessaire de rétablir une contribution légale au taux de 1,6% de la masse salariale pour les entreprises de plus de 11 salariés. Nous serions encore loin de l’objectif de la loi de 1971 qui était d’atteindre un taux de 2%. Il reste à déterminer la part de versement supplémentaire qui viendrait financer le PIC.
  • - La situation démocratique déplorable au sein des instances de France compétences et le rôle qui leur est attribué par la loi et les décrets montre qu’il est nécessaire de rétablir une instance nationale et interprofessionnelle permettant aux organisations syndicales de réfléchir, d’échanger et faire des propositions d’évolution du système de formation professionnelle.

A l’heure où des enjeux concernant les transitions professionnelles, les métiers porteurs et les métiers en difficulté de recrutement sont au cœur de l’agenda social, l’Afpa, le Cnam, les réseaux des Greta et les Centres de rééducation professionnelle doivent enfin jouer un rôle majeur. La CGT propose un service public national de formation professionnelle continue financé par la contribution des entreprises, décliné en territoires et adossé à ces institutions.

La lettre ouverte dans son intégralité :

lettre ouverte à la ministre du travail














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