la CGT de Loire Atlantique (44)
Cérémonie en mémoire des 181 syndicalistes du 44 fusillé-es par les nazis
jeudi 9 février 2017

Allocution de l’Union Locale CGT de Nantes devant les plaques mémorielles à la maison des syndicats, le 09 février 2017

Le 15 janvier 1943, s’ouvrait à Nantes le procès dit “des 42”. En fait, ce seront 43 hommes et deux femmes qui seront jugés. 37 seront condamnés à mort. Il s’agit probablement du procès le plus meurtrier de l’occupation.

En 1942, les actes de résistance ce sont multipliés en Loire-Atlantique. Suite à une première vague d’arrestation lors de l’été 42, le réseau est reconstitué et les actions reprennent en novembre.

Avec la collaboration de Vichy, l’occupant nazi traque les résistants et organise la répression contre les Francs Tireurs et Partisans nantais. Ils veulent terroriser la population, disqualifier les hommes et les femmes de la résistance et surtout réprimer sévèrement les Francs tireurs et partisans nantais qui avaient fait le choix de la lutte armée et de la guérilla contre l’occupant. C’est l’exemple des fortes représailles allemandes de 1941 qui suivirent, après l’exécution d’un colonel allemand à Nantes par un commando de la Résistance. L’ordre de fusiller 50 otages immédiatement, s’était soldé par l’exécution de 48 résistants et notamment des militants syndicaux. C’est dans ce contexte de forte répression que le 15 Janvier 1943, le tribunal militaire de la Feldkommandantur inculpe 45 hommes et femmes pour assassinat, complicité d’assassinat, activité communiste, intelligence avec l’ennemi de l’Allemagne... Le 28 janvier, 37 de ces résistants sont condamnés à mort : ils seront fusillés de janvier à mai 43. Le démantèlement du nouveau réseau aboutira au “procès des 16” en août 43.

Tout au long de la guerre 39-45, avec 331 fusillés et près de 900 déportés politiques, la Loire-Atlantique a payé un lourd tribut à la répression durant les années d’occupation et de guerre.Beaucoup d’entre eux étaient des militants de la CGT. Pour beaucoup, la torture, la déportation ou la mort seront au bout du chemin.

Ces deux plaques, initialement posées en 1948 sur les murs de la Bourse du Travail, ont trouvé logiquement leur place, depuis 2010, sur les murs de l’actuelle Maison des Syndicats.

On peut lire sur ces plaques : « L’Union Locale des syndicats confédérés de Nantes en hommage à ses martyrs victimes de la barbarie nazie. »

181 noms y sont gravés.

Ces 181 noms ne sont pas que des noms. Ils, elles étaient des gens ordinaires, des femmes, des hommes, souvent très jeunes, qui se sont dressés contre l’innommable. Ils, elles ne doivent pas être oubliés. Pour certains d’entre nous, c’étaient des proches ou des aïeuls.

Il en est ainsi, par exemple, de Jean-Philippe, ancien secrétaire de l’Union Locale de Nantes, dont le grand-père Vincent MOIZAN est cité parmi ces 181 victimes de la barbarie nazie.

Ils étaient des résistants : des hommes et des femmes de tous âges mais souvent jeunes voire très jeunes, la grande majorité sont mariés, ont un métier, une qualification et une vie de famille.

D’une façon générale, en tant que syndicalistes ils sont souvent bien placés pour créer des réseaux de renseignement ou de sabotage dans les nombreuses usines qui travaillent pour l’armement allemand. Leurs réseaux relationnels servent à drainer un certain nombre de militants vers les mouvements de résistance. La prison, la torture par la Gestapo, l’exécution par fusillade ou décapitation, ou la déportation souvent sans retour dans les camps de concentration nazis sont le terme de leur action de résistant. Certains se suicident pour ne pas parler sous la torture.
Leur lutte et leur sacrifice n’ont pas été vains.

L’héritage de leur Résistance marquera durablement la vie politique française.

A la Libération, la Résistance qui devait beaucoup aux salariés et à leurs organisations, permet l’application de l’essentiel du programme du Conseil National de la Résistance.

Ce programme du Conseil National de la Résistance se réalisera notamment par le vote des femmes, la nationalisation des secteurs clés de l’économie et la création de la Sécurité sociale.

Le programme du CNR prévoit l’instauration d’une véritable démocratie économique et sociale, impliquant l’éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie.

Tout cela fut possible dans une France ruinée en pleine reconstruction.

Et pourtant, aujourd’hui, alors que les profits n’ont jamais été aussi importants, nos gouvernants répondent aux exigences du patronat en défaisant méthodiquement le programme du Conseil National de la résistance.

Depuis plusieurs décennies l’idéologie qui domine a pour objectif de dérèglementer les protections pour les travailleurs et les services publics, de casser notre protection sociale.

Cette idéologie, qui contrairement à ce qu’elle avance, n’a rien d’un pragmatisme, a pris le pas dans nos diverses institutions et s’imposent aux différents Gouvernements.
Elle pousse à l’individualisation, à la précarisation, à l’ubérisation de la société et à la guerre de tous contre tous. Ces dernières années les lois Macron, Rebsamen ou El Khomri se sont inscrites dans ce processus. Mais elles ne font que faire partie d’un long enchaînement. La loi Fillon du 4 mai 2004, sur le dialogue social, y a apporté sa contribution. Et certains des candidats actuels aux élections à venir ont des collusions avec ceux qui veulent défaire la Sécurité Sociale.

Les mêmes causes peuvent produire les mêmes effets.

Comme dans les années 30 qui a vu la montée du fascisme en Europe, le monde étouffe d’un excès de spéculation, d’une insuffisance de rémunération du travail et d’insécurité de l’emploi, terrain fertile du nationalisme.

Aujourd’hui, l’Europe et le Monde sont à nouveau rongés par le fanatisme et l’extrémisme.

C’est la perte de mémoire collective qui en est la cause, et les responsables en sont nos dirigeants qui s’allient avec les mêmes qui a une période sombre de notre Histoire ont mis en avant l’intérêt du capital, au détriment de l’Humain et de la République.

Il est inquiétant de constater qu’actuellement, partout dans le monde, les budgets militaires sont en hausse, s’élevant au total à 1 570 milliards de dollars pour l’année 2016.

Nous sommes dans une période d’instabilité et d’incertitude. De l’Asie du sud est à l’Europe de l’est les positions se crispent et des lignes de front se mettent en place. L’Europe, engluée dans des politiques d’austérité et de dérégulations absurdes, combinées à des logiques spéculatives toujours à l’œuvre, peut aboutir à l’effondrement de sa propre construction.

Rendre hommage à toutes les victimes de tous ces assassinats, quels qu’en soient les auteurs, est aujourd’hui une nécessité absolue.

On ne peut enseigner aujourd’hui l’histoire de ces crimes sans honorer la résistance à ces crimes et sans appeler à résister encore et toujours contre toutes les oppressions et discriminations.

Actuellement, nos adversaires usent contre nous de la discrimination et de la répression par voie pénale. Nous pouvons évoquer les exemples de ceux d’Air France, de Good Year ou plus proches de nous, des fonderies Bouhyer, pour ne citer qu’eux. Les autres sont moins médiatisés : les salarié(e)s des entreprises qui perdent leur vie à la gagner, les syndiqué(e)s CGT de toutes les entreprises où les pressions, répressions et discriminations existent. A leur niveau ils sont les résistants d’aujourd’hui. Aussi, en hommage aux martyrs du nazisme d’hier et aux opprimés du patronat actuel, nous devons continuer les luttes d’émancipation qui sont toujours à mener.

Les montées actuelles des extrémismes politiques et religieux peuvent nous ramener à de sombres périodes.

Le patronat d’aujourd’hui est le fruit de ceux qui hier collaboraient. Pour eux qu’importent les régimes, fussent-ils totalitaires ou mafieux, tant que les affaires peuvent continuer à tourner. Nombre d’industriels de l’époque de la 2e guerre mondiale ont préféré, sur le dos des travailleuses et travailleurs, choisir le camp du profit plutôt que celui de l’humain.

Il appartient aujourd’hui aux travailleurs, dans la période qui s’ouvre, d’imposer à l’ordre du jour leurs préoccupations, de se regrouper pour faire force, de résister à l’oppression capitaliste et aux extrémismes, religieux et politiques, qui n’ont pour but que de les asservir.

Soyons les dignes héritiers des camarades dont les noms honorent cette maison des syndicats